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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/46

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il lui arrivait de prendre un billet de parterre au collège ; il disait que c’était exprès.


JE SUIS CHEZ MOI !

Ce cabinet est misérable, mais je n’ouvrirai cette porte qu’à qui il me plaira, je la fermerai au nez de qui je voudrai ; j’écraserais dans la charnière les doigts de ceux qui refuseraient de filer, je ferais rouler au bas de cette échelle le premier qui m’insulterait, dussé-je rouler avec lui, si je ne suis pas le plus fort, ce qui est possible, mais on dégringolerait tous les deux.

JE SUIS CHEZ MOI !

Je rôde là-dedans comme un ours, en frottant les murs…

JE SUIS CHEZ MOI !

Je le crierais ! Je suis forcé de mettre ma main sur ma bouche pour arrêter ce hurlement d’animal…


Il y a deux heures que je savoure cette émotion.

Je finis par m’étendre sur mon lit maigre, et par les carreaux fêlés je regarde le ciel, je l’emplis de mes rêves, j’y loge mes espoirs, je le raye de mes craintes ; il me semble que mon cœur — comme un oiseau — plane et bat dans l’espace.

Puis, c’est le sommeil qui vient… le songe qui flotte dans mon cerveau d’évadé…

À la fin mes yeux se ferment et je m’endors tout habillé, comme s’endort le soldat en campagne.


Le matin, au réveil, ma joie a été aussi grande que la veille.