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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/52

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J’étouffe de joie ! j’ai besoin de boire de l’air et de fixer Paris. Je tends le cou vers la croisée. Je la croyais ouverte : elle était fermée, et je casse un carreau. Comme j’ai bien fait d’ouvrir un compte pour le casuel !

Je suis allé changer mes pièces de cent sous pour faire des petits tas, sur lesquels je pose une étiquette : Tabac, savon de Marseille, Entretien.

Il faut de l’ordre, pas de virements.


J’ai filé chez Barbedor, passage du Pont-Neuf. C’est lui qui a le plus de pièces et de romans.

« Je veux un abonnement.

— C’est trois francs.

— Les voilà.

— Et cent sous pour le dépôt. »

Malheureux, je n’avais pas songé au dépôt !

J’ai dû balbutier, me retirer… Faut-il remonter chez moi et prendre sur les autres tas ?

J’entrerais là dans une voie trop périlleuse ! Mieux vaut attendre et tâcher d’amasser pour ce petit cautionnement.

Ces cent sous me firent bien faute ! Je dus vivre sur mon propre fonds, pendant que les autres, qui avaient cent sous de dépôt, avaient à leur disposition tous les bons livres. Il est vrai que j’eus trois francs de plus à consacrer à ma nourriture ou à mes plaisirs ; j’économisais aussi sur la chandelle ; mais je ne pénétrai dans la littérature contemporaine que tard, faute de ce premier capital.