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Page:Van Dooren - Anthologie des poètes français, 1921.djvu/235

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FRANCE ET ÉTRANGER

L’injustice agrandit une âme libre et fière.
Ces reptiles hideux sifflant dans la poussière
En vain sèment le trouble entre son ombre et moi :
Scélérats, contre vous elle invoque la loi.
Hélas ! pour arracher la victime aux supplices,
De mes pleurs chaque jour fatiguant vos complices,
J’ai courbé devant eux mon front humilié ;
Mais ils vous ressemblaient : ils étaient sans pitié.
Si, le jour où tomba leur puissance arbitraire,
Des fers et de la mort je n’ai sauvé qu’un frère.
Qu’au fond des noirs cachots Dumont[1] tenait plongé.
Et qui deux jours plus tard périssait égorgé ;
Auprès d’André Chénier avant que de descendre
J’élèverai la tombe où manquera sa cendre,
Mais où vivront du moins et son doux souvenir,
Et sa gloire, et ses vers dictés pour l’avenir.
Là, quand de Thermidor la septième journée,
Sous les feux du Lion ramènera l’année,
O mon frère ! je veux, relisant tes écrits,
Chanter l’hymne funèbre à tes mânes proscrits.
Là souvent tu verras près de ton mausolée.
Tes frères gémissants, ta mère désolée,
Quelques amis des arts, un peu d’ombre et des fleurs,
Et ton jeune laurier grandira sous mes pleurs.

(Discours sur la calomnié).
XIXe SIÈCLE
AVANT LE ROMANTISME.
1800-1820.

L’époque de la Révolution et de l’Empire est une époque de transition. Les poètes continuent la tradition classique, mais qu’ils le veuillent ou non, ils subissent plus ou moins l’influence puissante du grand mouvement littéraire qui se prépare autour d’eux. Ils assistent à la fois à un déclin, au déclin d’un goût littéraire qui a duré deux siècles — et au commencement d’une grande chose. Ils se trouvent en face d’un état nouveau de sensibilité, d’un état nouveau d’imagination, d’un état nouveau de curiosité (on commence à regarder vers l’Angleterre et vers l’Allemagne). Teintés de romantisme, les uns plus (Baour-Lormian, Parseval-Grandmaison, Pierre Lebrun, Casimir Delavigne, Népomucène Lemercier), les autres moins (la Franciade de Viennet est de 1863 !), ils représentent, dit Faguet, l’automne de l’école classique.

Chênedollé.
Vire, 1760. — Le Coisel, 1833.
Œuvres poétiques : Le Génie de l’homme (1807). — Etudes poétiques (1820).

Ami de Chateaubriand, Joubert, Fontanes. Puisa dans les œuvres de J.-J. Rousseau, Buffon, Bernardin de St-Pierre, son amour de la nature. Du reste, paysan dans l’âme, aimait à vivre dans sa maison des champs. Disciple d’André Chénier. Il s’appelait lui-même « le Girodet de la poésie ». Poète d’à mi-côte, il a eu, dit Sainte-Beuve, des pressentiments poétiques.

  1. Membre de la Convention, avait fait emprisonner Louis-Sauveur Chénier, frère d’André, que M.-J. put faire délivrer.