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Page:Van Dooren - Anthologie des poètes français, 1921.djvu/449

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FRANCE ET ÉTRANGER
Albert Mérat,
Troyes. 1840. — Paris, 1908.

Œuvres poétiques : Avril, Mai, Juin, en collaboration avec Léon Valade (1863). Les Chimères (1863). — L’Idole (1869). — Les Souvenirs (1872). Les Villes de marbre (1874). — Au Fil de l’eau (1877). — Poèmes de Paris (1880). Vers le soir (1900). — Les Joies de l’heure (1902). — Chansons et Madrigaux (1902) Vers oubliés (1903). — La Rance et la mer (1903). Petites Pensées d’août (1904). — Œuvres choisies, 1863-1904 (1906).

Un des fondateurs du Parnasse. S’est tué dans un accès de folie. Son œuvre embrasse les genres les plus variés, mais il est surtout le peintre de Paris et de ses grâces. Aime les descrip tiens familières, chante avec esprit et avec délicatesse les rusticités artificielles, les jardins aux fenêtres, les forêts des boulevards. Sur le vieux bateau qui le promène le long des rives de la Seine, il entrevoit des paysages féeriques, à Sèvres, à Meudon, à Asnières. La banlieue charme son imagination autant que les grands horizons. Ses derniers vers sont empreints de quelque mélancolie ; comme s’il avait le pressentiment de la mort prochaine.

Le Moulin.

C’est par eau qu’il faut y venir. Voici la ferme ; errons un peu.
La berge a peine à contenir Dans l’âtre on voit flamber le feu
Le fouillis d’herbes et de branches, Sur les hauts chenets de cuisine.
Ce monde petit et charmant, La flamme embaume le sapin ;
La grande roue en mouvement, La huche de chêne a du pain,
Les vannes et leurs ponts de planches, La jatte de lait est voisine.

Un bruit frais d’écluses et d’eau, Oh ! le bon pain et le bon lait !
Monte derrière le rideau juste le repas qu’on voulait ;
De la ramure ensoleillée. On boit sans nappe sur la table.
Quand on ^approche, il est plus clair ; Au tic tac joyeux du moulin,
Le barrage jette dans l’air Parmi les bêtes, dans l’air plein
Comme une odeur vive et mouillée. De l’odeur saine de l’étable.

Pour arriver jusqu’à la cour, Lorsque vous passerez par là,
On passe, chacun à son tour. Entrez dans le moulin. Il a
Par le moulin plein de farine, Des horizons pleins de surprises,
Où la mouture en s’envolant, Un grand air d’aise et de bonté,
Blanche et qui sent le bon pain blanc. Et contre la chaleur d’été
Réjouit l’œil et la narine. De la piquette et des cerises.

(Au Fil de l’eau.)


LÉON VALLADE (Bordeaux, 1841. — Paris, 1883) : Avril, Mai, Juin avec MÉRAT. — A mi-côte (1874), L’Affaire d’Arlequin {%%2), triolets. — Poésies {^^t). — Poe’sies posthumes {). — Théâtre. 11 raffole comme Mérat, de modernisme, mais avec un sentiment plus discret. •’Il fait songer, dit Mendès, à une sensitive qui serait une violette „. Citons de lui :

Nuit de Paris.

Le ciel des nuits d’été fait à Paris dormant
Un dais de velours bleu piqué de blanches nues,
Et les aspects nouveaux des ruelles connues
Flottent dans un magique et pâle enchantement.
L’angle, plus effilé, des noires avenues

Invite le regard, lointain vague et charmant.
Les derniers Philistins, qui marchent pesamment.
Ont fait trêve aux éclats de leurs voix saugrenues.
Les yeux d’or de la Nuit, par eux effarouchés,
Brillent moins, à présent que les voilà couchés…
— C’est l’heure unique et douce où vaguent, de fortune.
Glissant d’un pas léger sur le pavé chanceux.
Les poètes, les fous, les buveurs, — et tous ceux
Dont le cerveau fêlé loge un rayon de lune ;

(A Mi-Côte.)