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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/131

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la présentation d’un projet analogue : il montra que le but poursuivi était de donner au Roi le pouvoir de disposer, aux dépens de ses filles, d’une grande partie des biens que le Code civil leur réservait ; il dénonça, en termes très durs, les mobiles qu’il attribuait au Souverain, en prononçant les paroles suivantes qui, dans la bouche d’un ministre d’État, prenaient une gravité particulière :

« Ne croyez-vous pas, messieurs, que la royauté puisse être exposée au soupçon de vouloir, sous le couvert décevant d’une grande libéralité au pays, se ménager le moyen, sinon d’exhéréder ses descendants, du moins de les dépouiller au delà de ce que permettent non seulement les lois, mais, aussi, la raison et l’équité[1] ? »

Mais, en dépit de ces protestations et de ces avertissements, les Chambres passèrent outre. Ceux pour qui les désirs du Roi étaient des ordres, votèrent pour le projet. Les socialistes, de leur côté, s’abstinrent, parce que, tout en reconnaissant le bien-fondé des objections d’ordre juridique que l’on faisait à la donation royale, ils ne se faisaient guère scrupule d’augmenter, aux dépens des princesses, le patrimoine de la nation. Si bien que, par la complaisance des uns, par le tacite acquiescement des autres, le Roi parvint, après vingt-cinq ans de tentatives infructueuses, à faire sortir de son patrimoine héréditaire une partie notable des biens qu’il possédait, tout en les conservant pour son usage personnel, ou pour l’usage de ses héritiers.


§ 2. — La loi de 1901 sur les avances de la Belgique à l’État du Congo.


Le projet de « donation royale », qui devait libérer Léopold II des entraves du Code civil, n’était pas voté, que le gou-

  1. On trouvera les discours de MM. Renkin, Beernaert, Picard et Delantsheere, dans les Annales parlementaires : Chambre, mars 1901, et Sénat, décembre 1901.