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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/173

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Or, posé en ces termes, le problème est insoluble et il ne faut point s’étonner qu’au Congo les décrets de réforme aient été accueillis avec un certain scepticisme.

Voici, par exemple, ce que m’écrivait, récemment, un homme d’expérience qui a fait en Afrique une brillante carrière et qui est, mieux que personne, en situation d’apprécier ce que deviennent dans l’application, après avoir passé par la filière administrative, les mesures réformatrices décrétées à Bruxelles :

Le nouveau régime gouvernemental au Congo belge commence ses effets. Le budget a été visiblement dressé dans le but de ne pas émouvoir la susceptibilité du contribuable métropolitain. Pour la mise en vigueur du régime nouveau, que l’opinion publique et la pression étrangère nous ont obligés d’accepter, trois modes étaient possibles :

1° La substitution pure et simple, dans toute l’étendue du territoire, de méthodes modernes aux méthodes de l’État Indépendant. Des crédits élevés eussent été nécessaires, et des frottements très durs se tussent produits, par suite du manque de préparation du personnel et des indigènes, de l’absence des organes nouveaux indispensables et de la présence des anciens, nuisibles à un fonctionnement des divers services.

2° Cette même substitution totale dans les limites de certains territoires, avec extension progressive à tout le pays. Les inconvénients identiques aux précédents n’affectaient, au début, qu’une partie du territoire.

3° La mise en pratique du régime pour toute la colonie à la fois, en n’opérant que progressivement pour chaque réforme, et en réservant son application intégrale pour une époque ultérieure et peu éloignée. Ces délais eussent permis l’adaptation des rouages à leurs conditions nouvelles de fonctionnement. Il est bien certain, par exemple, que l’introduction totale et brutale du numéraire, que la suppression générale de la perception de l’impôt en vivres risquent d’entraîner des conséquences désastreuses, même dans l’avenir. Rien ne s’opposait, d’autre part, à ce que l’on accordât aux noirs la libre disposition des produits de leurs forêts, même dans le but de s’acquitter de leurs impositions. Il eut fallu admettre les paiements en nature, subsidiairement à l’argent, et laisser au noir le choix du mode de paiement, à la condition que les produits apportés fussent utilisables, et, aussi, à la condition que le gouvernement fit des efforts réels et sincères pour la systématisation de l’emploi de la monnaie par les indigènes.