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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/204

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s’exerce dans un pays où le contrôle de l’opinion, la surveillance des autorités judiciaires sont à peu près inefficaces, les horreurs de la Mongala, de l’Abir ou du Domaine de la Couronne ne l’ont que trop montré.

Malgré tout, cependant, le système du travail forcé conserve des défenseurs qui invoquent la raison d’État, l’argument de la nécessité.

Quand bien même — écrivait en 1905 M. Rolin, professeur de politique coloniale à l’Université libre de Bruxelles — il serait prouvé que le système du travail forcé est, de tous les systèmes coloniaux, celui qui prête le plus aux abus ; quand même il serait prouvé qu’il serait caractérisé par le taux le plus élevé de criminalité coloniale, encore faudrait-il l’approuver et l’appliquer puisqu’il est nécessaire[1].

On s’est indigné de ces déclarations, dont l’auteur, du reste, a atténué les termes dans la suite.

Mais, laissons ce qu’elles peuvent avoir de paradoxal, d’excessif, et demandons-nous ce qu’il faut penser du fond même de la thèse de M. Rolin.

Est-il vrai, comme il le prétend, que, tout au moins quand on a affaire à des populations indigènes arriérées, comme celles de l’Afrique centrale, le travail forcé soit nécessaire ; est-il vrai qu’il faille opter entre les deux branches de ce dilemme : renoncer à la colonisation ou recourir à la contrainte ?

Telle a été pendant longtemps, nous devons le dire, notre opinion. C’est encore l’opinion de la plupart des socialistes. Ils sont persuadés que la colonisation dans les pays tropicaux, où les blancs ne peuvent guère se livrer à des travaux manuels, a pour corollaire inévitable l’exploitation de l’homme par l’homme, avec des formes de contrainte plus ou moins déguisées, plus ou moins hypocrites ; et c’est un des motifs principaux de leur opposition de principe à toute politique coloniale.

  1. Voir Rolin. La Question coloniale. Annexe. Liège, 1906.