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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/214

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Les chefs de tribus mettent leurs sujets à la disposition des agents recruteurs qui les envoient sur les chantiers. On appelle officiellement ce régime : Free labour under the tribut system. Heureux euphémisme ! En théorie, le chef, a, dit-on, en vertu du droit coutumier, une autorité absolue sur ses sujets, ou, tout au moins, sur les esclaves. Au lieu de les employer aux champs, il les emploie au chemin de fer. Le directeur du chemin de fer n’est pas censé savoir ce qui s’est passé avant l’arrivée aux chantiers. Il dénomme ces noirs : « travailleurs libres. »

Récemment, l’évêque de l’Uganda, Tucker, dénonçait des faits analogues, pour des travaux prétendument volontaires qui venaient d’être exécutés dans l’une des provinces du Royaume :

Dernièrement, il fallait construire une route dans le Bunyoro. Le gouverneur s’adressa aux chefs, qui consentirent à la faire. Des milliers d’hommes furent employés à ce travail, mais tous étaient des travailleurs forcés. Les seuls volontaires étaient les chefs, dont aucun ne se mit lui-même à la besogne. Lorsque je me plaignis au gouverneur, il me répondit : « Mais c’est du travail absolument volontaire[1]. »

Nous ne sommes pas en mesure de dire si les particuliers trouvent, eux aussi, le moyen de recourir à ces procédés de contrainte par intermédiaires, pour se procurer les travailleurs dont ils ont besoin.

Mais, sans parler de ce qui se passe, ou du moins s’est passé dans les régions minières de l’Afrique centrale, le rapport sur le Protectorat de l’Afrique orientale britannique, pour 1907-1908[2], montre que, même dans les milieux coloniaux anglais, le système du travail forcé, sous des formes plus ou moins avouées, rencontre d’assez nombreux défenseurs.

C’est ainsi que, dans le courant de 1908, les colons du Protectorat se plaignirent de ce que des fonctionnaires du gouvernement avaient averti les indigènes de ce qu’ils n’étaient pas forcés de travailler, avis interprété par les indigènes comme le conseil ou l’ordre de cesser tout travail.

  1. The Anti Slavery Reporter and Aborigine’s Friend, avril 1910, p. 91.
  2. Bulletin de colonisation comparée, mai 1909.