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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/25

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les Arabes étaient moins exigeants dans leurs demandes vis-à-vis des indigènes. Ils introduisaient un stade de civilisation qui répondait très bien aux instincts du nègre et s’adonnaient eux-mêmes, avec une singulière assiduité, et d’une manière très pratique, à l’agriculture. Les arts, même, étaient représentés. Grenfell et d’autres parlent des belles décorations intérieures des mosquées arabes dans les localités du Haut Congo, et nous-même avons noté les sculptures artistiques ornant la porte de leurs maisons[1]. »

D’autres Africains, notre compatriote Jérôme Becker, par exemple, ont fait des constatations analogues[2].

Mais il n’en reste pas moins que chaque progrès de la pénétration arabe était marqué par des massacres, des dévastations, des chasses à l’homme, qui permettent difficilement de donner la préférence à la colonisation de Tippu Tib sur la colonisation par Léopold II.

Aussi n’est-il pas étonnant que Georges Grenfell, qui avait été en contact avec les Arabes, et qui, d’autre part, avait vécu, depuis de longues années, parmi les indigènes du Haut Congo, ait pu, même en 1904, même après les « atrocités » du régime Léopoldien, écrire que, somme toute, il lui était impossible de regretter le temps où les Congolais se gouvernaient eux-mêmes, au lieu d’être gouvernés par les fonctionnaires de l’État Indépendant.

« Il m’a été donné — dit-il dans ses notes[3] — de parvenir à la trentième année de ma vie en Afrique. Pendant la première décade (1874-1884), j’ai vécu sous le gouvernement indigène et les amères expériences de cette époque se sont gravées, indélébiles, dans mon esprit et dans ma mémoire… J’ai vu, de mes yeux, des esclaves amenés au magasin de l’homme blanc, vendus pour de l’eau-de-vie, du rhum et des étoffes, payés comptant, et me suis trouvé au milieu d’une expédition arabe,

  1. Johnston. Grenfell, I, p. 165.
  2. Becker. La vie en Afrique, II, pp. 318 et suiv. 519 et suiv. — Cf. De Hertogh. Le péril islamique au Congo. Bulletin de la Société belge d’études oolotiialcs. 1910, p. 305.
  3. Johnston, loc cit., I, pp. 375 et 370.