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Page:Variétés Tome II.djvu/126

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Comme elle etoit d’une complexion fort amoureuse, l’air du Pont-Neuf fut favorable à ses inclinations ; les guinguettes furent honorées de sa presence, et Vaugirard entre autres, comme le lieu le plus voisin du faubourg où elle avoit porté ses premiers pas en arrivant à Paris, disputa l’avantage de la preference aux autres tripots bacchiques. Enfin ma Mie Margot devint aussi publique que l’avoit eté la Tanturlurette, dont elle se trouva être la nièce dans une debauche qu’elles firent ensemble au Gros-Caillou.

On parla de la marier, et plusieurs partis se presentèrent. Ses charmes donnoient dans les yeux les plus en garde contre la beauté ; il n’y eut pas un corps de metier dans Paris, un etat libre et mecanique, qui n’attentât sur sa personne ; grands et petits, tout la voulut voir, et les vaudevilistes les plus fameux tinrent à honneur de travailler sur ma Mie Margot. Comme son humeur, aussi coquette que volage, l’empêchoit de se fixer en faveur d’aucun de ses soupirans, chacun resolut de l’enlever ; elle le sçut et n’en fit que rire. Cependant le bruit en courut, et tout le monde en voulut avoir la gloire ; on n’entendit plus que crier à pleine tête, dans tous les carrefours de Paris : La Mie Margot a eté enlevée ! Tantôt c’etoit trois pâtissiers ensemble qui avoient fait ce coup, tantôt c’étoient trois rotisseurs, et tantôt c’étoient trois procureurs5. Ses ravisseurs etoient


5. C’est un de ces enlèvements, un de ces triomphes de Margot ma Mie (sic), qui est représenté sur une gravure du temps, dont un fac-simile très exact a été donné dans la 26e livraison du Musée de la caricature en France (1834, in-4).