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Page:Variétés Tome II.djvu/213

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doit souffrir une eclypse ceste année, dont ils recherchoient les effets perilleux pour quelque monarchie, ou malevoles pour quelque grand prince.

Le premier qui se trouva proche du barc fust Mauregard2. Il estoit si alteré d’avoir accouru en ce second monde pour eviter les misères de celuy-cy, où il avoit esté trop mal traité3 pour un homme de si rare merite et de si haute folie, qu’il fut près de boire de l’eau du fleuve d’oubly. Comme il s’estoit desjà baissé pour avaler à gosier ouvert de quoy faire mourir sa soif, telles exhalaisons ensoufrées de ceste puante rivière, qui pousse des bouillons comme de poix, et jette une odeur qui empeste si fort qu’elle


2. Noël Mauregart ou Morgart avoit été, de 1614 à 1619, un des prophètes le plus en crédit auprès du peuple, et le plus activement poursuivi par la justice. Nous connoissona de lui, entre autres écrits divinatoires : le Manifeste de Noël-Léon Morgard, spéculateur ès causes secondes, contenant les affaires et divers accidens de l’année 1619 ; Seconde partie du Manifeste…, contenant les horoscopes universels, prospérités et infortunes de tous les hommes de la terre.

3. Nous connoissons les malheurs de Mauregard par les lettres de Malherbe à Peiresc. Il écrit, par exemple, le 13 janvier 1614 : « Vous avez eu des almanachs de Morgart ; il est à la Bastille, d’où il sera malaisé qu’il sorte que pour aller en Grève » ; puis encore, le 13 février suivant : « Morgart a été condamné, il y a quelques jours, en galères pour neuf ans. La reine eût bien désiré qu’il fût mort ; toutesfois, la recommandation qu’elle en a faite lui rendra la vie pire que la mort. » Il paroît qu’il en réchappa cependant ; ses almanachs de 1619 en sont la preuve, s’il est vrai qu’il les ait faits lui-même. Nous le retrouverons plus loin aux galères de Marseille.