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Page:Variétés Tome II.djvu/269

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je ne fusse arrivé avec mes compagnons, qui faisions en nombre douze ou treize escuyers, sans le regiment de nos goujats, laquelle nous fismes cesser en moins de rien, ce pendant que le maistre du logis nous faisoit à chacun un boüillon pour nous sallarier de nos peines, et de cecy experto crede Roberto.

Quarto, pour ne rien oublier que ce qui est mis hors de mon souvenir, suivant mon mesme stille, ma mesme intention, mes semblables inventions, mensonges et consors, vous apprendrez que je n’eus pas plustost recogneu que les Picardes avoient le cul plus chaud que la teste, que je leur fis promesse de les servir le jour du jugement si j’avois le loisir. Si bien que, sortant par la porte de derrière et n’oubliant rien qu’à dire à Dieu, je fus contrainct de louer un viel asne galeux pour aller en poste jusques à Reims, où je ne fus pas sitost arrivé qu’une jeune bourgeoise, me prenant pour un marchand d’huille, me conjura d’affection de lui bailler trois ou quatre dragmes de la mienne. Ma courtoisie fut cause que je la pris au mot, de sorte qu’elle tendit sa lampe, où j’en fis distiller à bon escient : à quoi je fus employé près de huict jours entiers sans recevoir aucun argent pour parachever mon voyage ; et d’avantage j’eusse demeuré en ce bel exercice sans que messire Jean Cornette, propre mary de ceste affetée, revint de vendange, qui, me trouvant mettre le feu au lumignon, me fit prendre en diligence très humble congé de la compagnie. Ainsi je partis de cette fameuse cité pour revenir en cette ville, d’où estant