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Page:Variétés Tome II.djvu/320

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de le saluer d’une oreillade, suivy d’un tel desordre que les assistanz en tombèrent touz pamez, et les voisins si estonnez qu’ilz demeurèrent plus de huit jours sans oser sortir, croyant estre tous perduz ou que ce fust le jour du jugement quy commençoit, jusqu’à ce qu’un de ces furibonds, nommé Philippe le Hardy, fit appeler son ennemy et luy commander de se trouver près le chasteau de Vincennes pour tirer raison de la saluade qu’il avoit receüe, et luy escrivit ces motz :

« Voto a Dios, messer Bardachino (sans avoir égard à la grandeur de mon courage, qui ne peut estre limité), tu as esté si effronté que de regarder d’un œil de travers ma moustache furieuse, quy ne se relève qu’à coups de canons, que les dieux mesmes revèrent, pour menacer de sa pointe les cieux, d’où elle prend et tire son origine, foustre, et dont tu peux faire (te lardant un seul poil d’icelle) une telle ouverture à ton corps, que toute l’infanterie espagnole et la cavalerie françoise passeroit au travers sans toucher ny à l’un ny à l’autre costé. Le souvenir de cette presomption si temeraire me fait envoyer ce cartel, non que je desire et espère avoir à faire à toy seul, mais à demy-douzaine que tu choisiras, quand bien ce seroit des autres Morgands7, Fiers-à-bras, ou toute la race des Othomans ou des Mammeluz ensemble ; j’en feray des ruisseaux de sang plus longs


6. Oreillade doit être ici pour soufflet.

7. Morgant le Géant, héros d’un poème chevaleresque fort connu. Ce nom est le participe du verbe morguer. Montaigne