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Page:Variétés Tome II.djvu/347

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vous sçavez comme les choses repetées et redittes sont ennuyeuses. Pour preuve de ceste verité, vous voyez combien c’est chose desplaisante de voir toujours une table chargée de mesmes viandes, d’ouyr toujours une mesme farce à l’hostel de Bourgogne, et de regarder toujours de mesmes tableaux à la foire Sainct-Germain.

Il faut donc inventer quelque sujet nouveau, et une methode nouvelle quy n’ait esté empruntée d’aucun livre, d’aucun autheur, où Aristote n’ait jamais pensé, où Platon n’ait jamais jeté les yeux ny l’esprit, que les orateurs n’eussent jamais deviné ni ne devineront jamais si on ne leur en montre le chemin, et où personne ne s’attend peut-estre.

Formez-vous donc, s’il vous plaist, hommes et femmes, filles et garçons, jeunes et vieux, grands et petits, pauvres et riches, car tous vous estes capables de rire ; formez-vous, dy-je, dans l’esprit la plus agreable idée des choses les plus plaisantes et facetieuses quy soient dans la nature ; peignez-vous toutes les grosses monstrousitez du monde grotesque, mais plus raisonnablement l’image amoureuse de l’incomparable mardy-gras ; figurez-vous cest object comme un des plus grands et gros homme quy ait jamais esté, en comparaison duquel les geants ne soient que des nains, ayant la teste ombragée d’un arpent de vignes et couronnée de jambons, entouré d’une echarpe de cervelas et d’autres allumettes à vin, tout chargé de bouteilles, à quy le vin de Grave, de Muscat, de Espagne, d’Hipocras, font hommage comme à un grand seigneur, foulant desdaigneusement aux pieds les pots de confitures et les boetes de