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Page:Variétés Tome II.djvu/54

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un vrai Cremonne ; un cocher de fiacre ne porteroit pas une montre qu’elle ne fust angloise2 : celle quy seroit des plus fameux maistres de France, fust-elle du fameux Nourrisson de Lyon, ne seroit pas digne de luy ; enfin, tout enfin, devient estrange en France s’il n’est pas etranger3.

Cette digression, quoyqu’un peu longue, n’est faicte que pour parvenir à detruire l’erreur où l’on est du pretendu moulin à barbe comme nouvelle invention angloise.



2. Ceci est dit principalement pour l’horloger anglois Henry Sally, établi depuis long-temps à Paris, et dont les montres étoient les seules qui eussent fait fortune auprès du public, et même à l’Académie des sciences. En 1716, il en avoit fait approuver une du plus ingénieux mécanisme (Hist. de l’Académie des sciences, année 1716, p. 77), et à peu de temps de là il avoit soumis à la même académie, une montre marine qui n’avoit pas eu moins de succès. (Mém. et invent. approuvées par l’Académie des sciences, t. 3, p. 93.) Nous avons, au contraire, vainement cherché dans les mémoires de l’académie le nom de M. Nourrisson, le Lyonnois, pour quelque invention approuvée.

3. L’anglomanie fut bien plus forte encore trente ans plus tard. Voici ce qu’on lit sur ce ridicule anti-national dans un article de l’Esprit des journaux (nov. 1786, p. 197) analysant l’Anti-Radoteur, qui venoit de paroître : « L’auteur, revenant il y a quelque temps à Paris, fut étonné de trouver une ville angloise. Chevaux, cavaliers, piétons, carrosses, laquais, boutiques, boissons, habits, chaussures, chapeaux, tout étoit anglois. Il y vit une troupe de gens qui revenoient des courses comme on retourne de Neumarket (sic) ; mais la mode de se tuer lui parut la plus ridicule de toutes celles qu’on avoit empruntées de nos voisins. »