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Page:Variétés Tome II.djvu/65

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hommes. Balthazar Gerard, Bourguignon de nation2, sa mère native de Bezanson, aagé, comme il monstroit, de vingt et huict ans ou environ3, personnage aultant bien instruict que bien disant, et fort habile au maniement et exécution des affaires d’importance, en l’an mil cinq cens quatre-vingts et quatre, et le dixième jour du mois de juillet4, demi-heure après midi, se mit en deliberation d’executer incontinent, et sans differer d’avantage, la belle entreprise qu’il avoit dès long-temps projetté de faire en son esprit, s’asseurant d’en venir à bout, comme heureusement luy est avenu. Considerant donc Balthazar la perfidie et desloyauté de Guillaume de Nanssau, prince d’Orenge, qui, soubs le faux manteau d’une pretendue franchise, privoit une infinité de personnes de toute liberté aux despens de leurs biens et de leurs corps, et par là frustroit les ames du salut eternel, se proposa, à l’exemple de Christ et suivant les pas et vestiges de ses saincts, de fermer les yeux aux perils et dangers pour le salut de plusieurs et liberté de nostre patrie ; qui fut cause que, cognoissant


2. Il étoit né à Villefans, en Franche-Comté.

3. Strada dit vingt-six ans, « erat enim annorum sex et viginti ». (De Bello Belgico, Decadis secundæ liber quintus, anno 1584.)

4. Le même mois où le duc d’Alençon, compétiteur malheureux du prince d’Orange, étoit mort en France des suites du poison que lui avoient fait prendre les agents de l’Espagne. Philippe II ainsi se seroit délivré en même temps de ses deux rivaux dans les Pays-Bas : du fils de Catherine de Médicis par l’empoisonnement, et de Guillaume de Nassau par la main d’un assassin.