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Page:Variétés Tome II.djvu/68

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estant sur la question guindé en l’air, ils attachèrent au pouce de son pied pesant cent cinquante livres, puis après luy chaussent des souliers de cuir tout cru, qu’ils frottent et imbibent d’huille, et, ainsi tout rompu et deschiré de coups, le font approcher tout nud d’un grand feu, où, après luy avoir bruslé d’un flambeau le dessoubs des aisselles, le vestissent d’une chemise trempée dans l’eau ardante qu’ils allument sur son corps, luy piquent de poignantes aiguilles l’entre-deux des ongles, et luy mettent profondement des clous dedans. Mais, voyant qu’il ne crioit point et ne monstroit aucun signe de passion, après luy avoir rasé les poils par dessus tout son corps, le baignent et trempent d’un vieux et puant pissat avec de la graisse bouillante; et, pensant qu’il eust du charme, ils luy mettent une robe qu’ils prirent d’un pauvre de l’Hostel-Dieu (quelques uns pensent que ce fut la robbe d’un sorcier), cuydans par là rompre la force de l’enchantement en vertu duquel, comme ils s’imaginoient, il s’estoit endurci et rendu insensible contre tant de maux10. Pour tout cela, cognoissans qu’ils n’advançoient rien, ils luy demandent plusieurs fois qu’est-ce qu’il pensoit, voyant tous ces tormens. Il respond seulement (Bon Dieu ! patience !). Interrogé de rechef


10. Strada, trop bon historien pour répéter la fable de toutes ces tortures, mais trop vraiment jésuite aussi pour ne pas voir dans Balthazar Gérard une sorte de martyr, ne peut s’empêcher d’admirer le courage du fanatique au milieu des tourments. « Imperterritum, dit-il, tormentisque omnibus majorem. »