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Page:Variétés Tome IV.djvu/222

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Dans le sot entretien de tes pures fadaises,
On n’y sert point de noix, de moures1 ny de fraises,
Et tu n’y peux tenir un plus insigne rang
Que de pescher sans fin un grenouiller etang.
Ne precipite point ta course malheureuse :
Tu ne sçaurois manquer cette charge honteuse.
Gaultier luy repondit : Profane, sçais-tu bien
Que les grands se sont plus à mon doux entretien ?
Un seul ne me voyoit qui ne se prist à rire.
Ay-je pas mille fois delecté nostre Sire ?
Bon Dieu ! si tu sçavois que je suis regreté
Et que l’on a souvent ce propos repeté :
Las ! le pauvre Gaultier, hé ! que c’est de dommage !
Bref, si je retournois, on me feroit hommage.
Puis Caron, en riant : Ouy, tu retourneras ;
Cela depend de toy, marche quand tu voudras.
Il ronfloit en tenant ce discours à Garguille,
Car il ne laissoit pas de pousser sa cheville
À l’endroit depecé de son basteau fatal.
Mais Gaultier, en colère : Espères-tu, brutal,
Que je puisse long-temps tarder en ce rivage ?
Passe-moy vitement, je payeray ton gage ;
Ne te deffie point d’un homme comme moy :
Je suis tout plein d’honneur, de justice et de foy.
Lors, entrant au batteau, l’homme à l’orrible face,
Saisi de ses outils, le conduit et le passe.
Il demande un denier ; mais, montrant ses talons,
Gaultier dist en riant : Je n’ay que des testons.
Si tu ne me veux croire, avant que je devale,
Va-t’en le demander à la trouppe royalle ;



2. De mûres.