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Page:Variétés Tome V.djvu/304

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d’un apothicaire), voilà bien dequoy se plaindre ! Est-ce un ? Il pesche toujours qui en prend un ; il y a huict ans que je suis avec le mien, sans que j’en puisse avoir un ; c’est bien peu ! Je ne sçay ce qu’il met en ses drogues, mais elles sont de bien peu d’operation. Naguères nous allâmes en pelerinage à Liesse, esperant que par l’intercession de ceste saincte Dame je pourrois avoir un heritier du fruict de nos travaux ; mais à peine fumes-nous de retour que l’on me parla de sage-femme : c’etoit la nostre qui étoit accouchée. Hé bien ! voilà comme nos marys peschent en eaue trouble ; ces grands vault riens sçavent bien enfourner au four d’autruy et ne trouvent jamais le nostre assez chaud. Cependant ce ne fut pas tout, car ceste truande, après m’avoir faict la nique, obtint provision de cinquante escus8. Deussay-je en payer cent, et qu’il m’en fit autant !

La G. print alors la parole, et dict à une de ses voisines qui estoit là : Sainement (ma commère, ma mie), je n’eusse jamais pensé, avant que d’entrer en mariage, qu’il s’y fist tant de meschancetez. Ces jours derniers, comme j’estois allé à la messe, je ne fus pas de retour qu’entrant dans la salle avec mon boullanger, pour conter avec luy, je les vis tous deux sur le lict vert, si eschauffés au jeu que l’on eust dict qu’ils en avoient à quelqu’un. Ceste fine beste, se voyant surprise, joue si dextrement son jeu que, se glissant dessous son maistre, se coula


8. Sur les dommages-intérêts auxquels avoient droit les servantes séduites par leurs maîtres, V. notre t. 1, p. 319–320, note.