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Page:Variétés Tome V.djvu/344

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cette injure, en la menaçant de luy donner sur la moitié de son visage. Un jeune advocat s’avança de dire là-dessus qu’il avoit remarqué que les bouchers, à leur dire, n’avoient jamais que du bœuf, et les cordonniers que de la vache. Que voulez-vous dire des cordonniers, monsieur l’advocat de cause perdue ? repart un de cette vacation ; ils sont honnestes gens et ne sont pas des cousteaux de tripiers comme vous, qui playderiez la plus mauvaise cause pour un teston, et qui prenez le plus souvent de l’argent des deux parties. — Ne sutor ultra crepidam, luy replique l’advocat ; vous estes un sire dans vostre boutique. — Qui parle de cire ? dit là-dessus un epicier ; je voudrois que tous les mestiers fussent exempts de tromperie comme le nostre : il n’y auroit pas tant de monde de damné. — Il ne faut juger de personne, dit un prestre en retroussant sa soutane ; qui se justifie est ordinairement le plus coupable. — Meslez-vous de dire vos oremus, luy replique l’espicier, sans venir faire icy des sermons en pleine rue. Le prestre fui prudent et se retira de la meslée doucement sans rien dire davantage. Ce que voyant un colporteur, il dit à l’espicier en riant : Vous avez donné le fait au prestolin ; le voilà penaut comme un fondeur de cloches. — Est-ce pour m’offenser ? dit là-dessus un fondeur ; il semble que tu me montres au doigt. Helas ! mon pauvre frippon, tu le serois bien autrement sans les rogatons dont tu amuses le peuple et sans les sottises que l’on te donne à debiter ; tu aurois bien la gueulle morte, et ta femme seroit bien contrainte de mettre en gage les