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Page:Variétés Tome V.djvu/35

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Me fit en un matin mettre à la renverse
Par l’esclat d’un boulet, qui d’un très rude effort
Me persa rudement tout le travers du corps ;
Et, me sentant navré, tombant dessus la terre,
Je crie : À mon secours quelque frère de guerre !
Mais chacun, me voyant, de moy n’ose approcher,
Se disans l’un à l’autre : Ce coup-là est bien cher !
Vaut mieux ne rien gaigner que de perdre la vie ;
D’aller estre blessé, pour moy, je n’ay d’envie.
Las ! je perdois mon sang à faute de secours ;
Mais ces trois ferailliers sont arrivez tout court,
Ayant ouy le bruit que j’estois sur la terre,
M’apportèrent du linge et quelque peu à boire,
Puis bandèrent mes playes, me prenant souz les bras,
Me menèrent au cartier, me couchant sur un drap,
Tousjours me consolant, me faisant des prières,
Qu’il faloit avoir soin de Jesus et sa mère.
Alors plusieurs soldats commencent à s’assembler
À l’entour de mon lict, ne pouvant plus parler,
Regrettant dans mon cœur la douleur que ma mère
Possederoit de moy sçachant ce vitupère4.
De deuil elle mourra, puis, la mort s’approchant,
Luy ravira l’esprit de son bras rougissant.
Le parler me venant, je dis avec grand peine
Un adieu très piteux à mon cher capitaine,
Aussi à mes amis qui m’avoient assisté
Parmy mes grands tourments et ma necessité ;
Un adieu je leur dis, pleurant à chaude larme,
Ayant un grand regret d’ainsi quitter mon ame,
Dont me falloit quitter le meilleur de mon zèle,



4. Ce blâme, cette honte.