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Page:Variétés Tome VII.djvu/128

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cet endroit : « Hé bien ! luy dit-il, voudriez-vous soustenir que ces particularitez des bouts de souliers, que j’ay neantmoins esté obligé de vous rapporter pource qu’elles sont veritables, ne fussent pas plustost basses qu’autrement, et qu’elles eussent rien de comparable à celles de l’histoire de Mamurin ? — Ah ! nous y voicy ! repondit Sylon ; ma foy, je m’imagine que vous estes de l’humeur de nos poëtes, qui, lors qu’ils ont quelque ouvrage à faire, cherchent dans un dictionnaire tous les gros mots, comme trone, couronne, diadème, palmes, indumées, cèdres du Liban, croissant ottoman, aigle romaine, apotheose, naufrage, ondes irritées, et quantité d’autres belles paroles semblables, dont ils vous massonnent après bravement leurs sonnets et leurs odes, s’imaginant que cela suffit pour rendre une pièce excellente, et que de tant de beaux materiaux il ne peut resulter qu’un parfaitement bel edifice. Ainsi, pource que vous croyez que ces mots extraordinaires font toute la bonté d’un ouvrage, vous estes persuadé aussi que ceux qui sont plus communs ne sçauroient manquer de le gaster. — Ce n’est pas le mot que je reprens, repartit l’amy, c’est la chose : car ne m’avouerez-vous pas que cette circonstance de bouts de souliers est très basse ? — Nostre pointu de tantost ne manqueroit pas d’en tomber d’accord, puis qu’il s’agit du dessous des pieds, repliqua Silon ; mais, pour moy, je me donneray bien de garde de croire qu’une chose soit basse quand l’imagination en est extraordinaire et qu’elle represente bien l’objet que l’on veut depeindre. Par exemple, posez le cas que vostre histoire du poëte