Page:Variétés Tome VII.djvu/151

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soient qu’il n’y avoit pas un sol en France. Il n’y avoit aucun trafic ny commerce qui nous apportast l’or ny l’argent. L’Anglois, qui, comme nous avons dit, tenoit les ports de la Guyenne, de la Normandie et de la Picardie, et qui avoit les ports de la Bretaigne à sa devotion, nous fermoit toutes les advenues de la mer et les passages d’Espagne, de Portugal, d’Angleterre, d’Ecosse, de Suède, de Danemarch et des Allemagnes. Les Indes n’estoient encores cogneues, et l’Espagnol ne les avoit encore descouvertes. Quant au Levant, les Barbares et les Alarbes d’Afrique, que noz ancestres appelloient Sarrasins, tenoient tellement la mer Mediterranée en subjection que les chrestiens n’y osoient aller s’ils ne se vouloient mettre en danger d’estre mis à la cadène. Nous n’avions aucune intelligence avec le Turc, comme nous avons du depuis que le grand roy François nous l’a donnée. L’Italie nous estoit interdite par les divisions et querelles des maisons d’Anjou et de Arragon. Donques nous ne trafiquions en lieu du monde, sinon entre nous ; mais c’estoit seulement de marchandise à marchandise, comme de bled à vin et de vin à bled, et ainsi des autres24 : car, d’or et d’argent, il ne s’en parloit point, veu que


24. Ce commerce d’échange se faisoit surtout pour les menus objets. À Rome, les petits marchands d’allumettes ne demandoient pas d’argent, mais seulement du verre cassé. V. Juvenal, sat. 5, v. 47 ; Stace, Sylves, liv. 1, sylv. 6, v. 72. À Paris, au moyen âge, le pain se vendoit comme monnoie courante : on le voit par les Crieries de Guillaume de Villeneuve. À Londres, on entendoit partout crier : L’eau pour le pain ; les fagots pour le pain ; l’aiguille pour le vieux