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Page:Variétés Tome VII.djvu/27

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leur disné n’estoit pas encore prest, lequel, ayant trouvé la venerable hostesse les reins devant le feu qui descousoit la doublure d’une bouteille de Muscat, lui commença à dire : « Madame, lorsqu’il vous plaira nous envoyer à dîner, la compagnie est preste et en bonne deliberation de le recevoir. » Ceste vieille sempiternelle, qui n’entendoit point raison, commença à le bien renvoyer chez ses premiers parens, luy chantant plein un tonneau d’injures, en luy disant : « Monsieur le muguet, comme vostre cheval rue ! Où sont les pistolles que vous avez données pour vous faire apprester à disner ? Allez à tous les diables ! Venez-vous en ces lieux sans avoir de quoy satisfaire à vos plaisirs ? Soyez diligent, et vostre compagnie aussi, à me trouver trente pistolles pour la depense que vous avez faite et les fraiz de ceans, car autrement vous ne sortiriez en l’estat que vous estes, et outre cela les coups de bastons ne vous seront espargnez. » Qui fut bien penost, ce fut mon pauvre monsieur le muguet, qui s’en retourna un doigt au cul et l’autre en l’oreille devers sa compagnie, dissimulant par devant mesdames les bourgeoises les rodomontades qui lui avoient esté faites par ceste matrone.

Pour consulter amplement de ce qu’ils avoient à faire pour leur retirer du naufrage où ils se voyoient, delibererent en particulier de montrer à mesdames les bourgeoises le meilleur visage qu’il leur seroit possible, à cette fin de ne leur faire concevoir aucune apprehension ; et, pour ce faire, il fut arresté que les uns après les autres feroient semblant d’avoir quelques affaires de grande importance aus-