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Page:Variétés Tome VII.djvu/292

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Celuy dont je tiens l’estre entre les Dieux se nombre,

Je nâquis des baisers du soleil et de l’ombre.

« Un jour, parmy les Dieux mon père se vantoit
Que rien dans l’univers ses regards n’evitoit :
Celui des immortels qui preside aux messages
Luy dit : « As-tu veu l’ombre en tous tes longs voyages,
« Cette brune agreable, et de qui les douceurs
« Sont les plus chers plaisirs des doctes, des chasseurs,
« Et de tant de mortels qui la trouvent plus belle
« Que tes plus beaux rayons, que l’on quitte pour elle ? »
Le soleil fut surpris, et ce père du jour
Sentit naistre en son cœur et la honte et l’amour ;
Du desir de la voir son âme est embrasée.
Il la cherche partout, croit sa conqueste aisée.
Mais l’ombre habilement evitoit ses regards.
Cette froide beauté fuyoit de toutes parts.
Sa course s’avançoit d’une invisible adresse.
Il la suit, elle fuit d’une egale vistesse.
Il double en son ardeur ses efforts vainement,
Tous les corps s’opposoient à son contentement.
Il pense la tenir, sans la voir il la touche,
De ses rayons aigus il joint cette farouche.
Enfin, ne pouvant mieux soulager sa langueur,
En courant il la baise en toute sa longueur.
Et parmy les baisers de cette douce guerre,
De leur droite union je naquis sur la terre. »

Le compas ressentit un plaisir nompareil,
La connoissant alors pour fille du soleil.
Il vid naistre l’espoir d’acquerir sa maistresse,
Roulant en son esprit la divine promesse.
Doncques, remply d’audace, il luy tint ce discours :
« Et ce mesme soleil m’a promis vos amours.