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Page:Variétés Tome VII.djvu/34

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C’est, Madame, que nous avons encore chacun dix escus que nous ne desirons pas remporter, mais bien vous les donner, pourveu qu’il vous plaise nous faire voir ces belles dames qu’il vous a pleu nous donner cette nuict pour compagnes. » Elle, cupide d’argent plus que de tous les honneurs du monde, commence d’ouvrir les yeux comme un chat qui boit du vinaigre, leur dit : « Si je vous accorde ce que vous desirez, je fausseray ma foy, et par ce moyen je feray ce que je n’ay jamais fait ; et si elles estoient par fortune de vostre cognoissance, qu’en diriez-vous, Messieurs ? — Helas ! Madame (dirent-ils), cela ne peut estre, car notre cognoissance est bien petite, et, d’autre part, nous sommes etrangers. »

Après le nouveau marché fait, la matrone les conduit dans la chambre des bourgeoises, lesquelles estoient encore toutes endormies du travail de la nuict. Incontinent ils eurent forme de cognoissance, non pas asseurés du premier coup (n’estimans leurs femmes estre telles) ; toutesfois, l’un d’iceux, qui ne se peut plus tenir, dit à l’un de ses camarades : « Voisin, tu cognois bien ma femme ? Je te prie, regarde si ce n’est point celle-cy. » Il ne lui eust sceu respondre le ouy ou le non, voyant la sienne tout proche.

Le troisiesme, un peu plus rusé que les autres deux, ayant certaine cognoissance du jeu, desirant couvrir l’honneur de sa femme, dit (toutesfois bien fasché, comme de raison) : « Il se fait tard, allons-nous-en voir si nos femmes ne sont point arrivées. » Celuy qui se voyoit asseuré du fait : « Comment,