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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/162

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LES DEMI-SEXES

groupes de figures enlacées semblaient poser pour quelque chef-d’œuvre de bronze ou de marbre. Camille étreignait la grande fille brune qu’elle avait conquise, roulait sa tête dans les boucles défaites de sa chevelure. Quoique les deux amantes conservassent encore une sorte de lucidité trompeuse dans les idées et les sensations, un dernier simulacre imparfait de la vie, il leur était impossible de reconnaître ce qu’il y avait de réel dans les fantaisies étranges, de possible dans les voluptés surnaturelles qui s’accomplissaient devant leurs yeux lassés. Le ciel étouffant de leurs rêves, l’ardente fantasmagorie de leurs visions et de leurs désirs toujours inassouvis, les assaillaient alors si vivement qu’elles prirent les jeux de ces étreintes pour les caprices d’un cauchemar où le mouvement est sans bruit, où les cris sont perdus pour l’oreille.

Rose Mignot, auprès de Claire Delys, dont elle déchirait la robe, lui déclamait des vers. Delphine de Belvau, ivre de morphine, dormait sur les genoux de Marguerite d’Ambre qui la berçait comme un enfant, en la rafraîchissant doucement du battement de son éventail de plumes.

Les bougies commençaient à s’éteindre, en