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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/171

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LES DEMI-SEXES

dominations, et ne veut plus être sauvé, même par un Dieu !

— Vous croyez donc encore à quelque chose ?…

— Si toutes les religions me manquent, j’ai conservé une religion de tête pour laquelle je lutte et je souffre : la volonté. Je vais, je marche, vieux déjà, les tempes grises, bilieux et pâli par les veilles, mais je tiens bon et je persévère.

— Pourquoi ce bel effort de volonté ?… Vous êtes riche et vous n’avez qu’à vous laisser vivre… La volonté n’est utile qu’aux déshérités… et encore ! La plupart du temps, elle ne sert qu’à prolonger leur misère… Un couteau, un réchaud, une corde feraient bien mieux l’affaire !

— Vous vous trompez. C’est précisément ma fortune qui m’a perdu. Le travail, le travail seul existe et soutient. Par le travail, l’homme échappe à la chair et s’en dégage ; il ne sent plus la faim, ni le froid ; sa vue ne voit plus qu’en lui-même ; son oreille, emplie de la musique de ses idées, n’entend plus les vains bruits de l’existence ; le temps se tait, et, n’ayant plus d’aiguille, ne se mesure qu’aux aurores et aux crépuscules. Tous les petits