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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/187

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LES DEMI-SEXES

du soir et de la solitude, aux mains qui se tendent fébriles et menaçantes… Elle avait ri, alors, de toutes ces malheureuses ; maintenant, il lui semblait qu’elle était l’une d’elles, que sa déchéance n’avait rien à envier à la leur. Son passé lui faisait horreur ; cependant elle ne pouvait le fuir, car Nina et Philippe ne la quittaient guère, avivant la blessure de son âme. À tout instant du jour elle avait à subir leur présence, et elle se résignait, dans la crainte d’une délation possible. Nina, peut-être, eût gardé le silence, pour se préserver des représailles, mais Philippe, qu’elle savait vindicatif et peu scrupuleux, n’aurait point laissé échapper une si belle occasion de vengeance !

Et c’est ainsi, qu’au milieu des attentions et des hommages de ses fidèles, elle traînait l’agonie d’une bête blessée. La sensation d’avoir à plaisir gâché sa vie et perdu même le droit de se plaindre, l’obséda et l’anéantit : elle n’avait rien fait, rien réussi, rien obtenu… Son âme était vile ! Aucune noble action ne l’avait réjouie, aucun dévouement ne l’avait anoblie et grandie… Son seul effort héroïque pour conquérir une vaine liberté l’emplissait à présent de regret et de honte !