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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/221

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LES DEMI-SEXES

cette exaltation tendre où pouvait jeter l’existence idolâtrée d’un autre être, sa vue, sa parole, sa pensée, elle se jugeait incapable de rien éprouver de semblable. Et, cependant, que de fois, lasse de baisers indifférents, tourmentée par cette harcelante envie de changement qui n’était peut-être que l’agitation obscure d’une indéfinie recherche d’affection, elle avait souhaité de rencontrer un homme qui la jetterait aussi dans cette surexcitation ensorcelante de toute la pensée et de toute la raison !… Mais, cet homme n’était point venu ; Julien l’aimait trop et Philippe pas assez. Julien était trop crédule et Philippe trop méfiant. Avec tous elle avait constaté que les défauts étaient plus saillants que les qualités, que le talent, même, est un don spécial comme une bonne vue et un bon estomac, un don isolé sans rapports avec l’ensemble des individus.

Cependant, depuis sa rencontre avec Georges Darvy, ses opinions avaient un peu dévié. Il l’avait intéressée par sa froideur, même, son indifférence, le pur idéal qui était en lui et qui lui faisait mépriser les satisfactions habituelles de la chair. Il l’avait intéressée, car elle pensait à lui sans cesse, cherchait à deviner l’énigme de cette existence si différente des