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LES DEMI-SEXES

éprouvait le besoin de parler d’elle et de calmer ses souffrances par les souffrances d’un autre.

Ainsi que Philippe l’avait prévu, Julien était de retour dans l’appartement qu’il avait meublé et paré pour son amour. Il passait des heures devant le petit lit de bois noir où il l’avait tenue dans ses bras ; il contemplait un mouchoir de dentelles qu’elle avait oublié, une voilette, un gant — précieuses reliques dont la vue caressait et meurtrissait son cœur. — Il vivait de plus en plus retiré chez lui, ne recevant que quelques amis de loin en loin. Le combat durait toujours, la dispute intérieure était épouvantable. Depuis des semaines, des mois, il se sentait oublié de tout ce qu’il avait chéri ; il souffrait de la privation de ces mots d’affection, de ces silences de caresses avec lesquels, autrefois, la chère absente le berçait tout le long du jour par l’espoir et le souvenir. Il n’avait plus rien de cette tiédeur de tendresse qui était l’air vital de son âme. À la longue, un sentiment de peur de lui-même lui venait devant les hantises de son cerveau, comme devant un danger. Il se reculait de ses évocations, se défendait des images qu’elles créaient comme devant des tentations. Une immense