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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/306

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LES DEMI-SEXES

besoin d’oublier, elle avait l’impression de faire la chose la plus importante qu’elle eût jamais faite.

À chaque minute, elle regardait l’heure, calculait combien de temps la séparait encore du moment où il entrerait et la remercierait par une caresse d’avoir si bien deviné ses goûts.

En attendant l’installation complète, ils vivaient, faubourg Saint-Honoré, dans l’ancien petit hôtel de la baronne de Luzac. La chambre de Camille avec ses étoffes douces mollement drapées, son mobilier laqué vert pâle, était devenue la chambre conjugale, et, chaque soir, après le travail et les courses de la journée, Georges venait rejoindre sa femme.

Il la traitait avec bonté, semblait avoir compassion des tourments qu’il devinait en elle sans en connaître la cause, et elle souffrait davantage de cette vague pitié qui l’humiliait. La haine est un tonique qui fait vivre par l’espoir de la vengeance ; mais la pitié tue, car elle affaiblit encore la faiblesse. Une imagination ardente fait de tout un poème terrible ou joyeux, suivant les événements qui la frappent ; son exaltation ne cherche que les nuances vives et tranchées, l’exagération en toutes choses.