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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/94

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LES DEMI-SEXES

sang avait coulé… Elle vivrait, parce qu’elle vivait encore ; la vie déjà avait refait de la vie… Sautant d’un extrême à l’autre, elle disposait les accidents, les changements heureux ou malheureux ; elle enchaînait le possible à l’impossible. Son désir enfiévré se mettait à créer à l’horizon des événements singuliers, merveilleux ; puis, par un brusque revirement de sa pensée mobile, elle se disait que rien de ce qu’elle rêvait ne pouvait arriver, et elle restait à réfléchir, les yeux vagues, les lèvres serrées, pendant des heures entières. De sinistres tentations se ranimaient toutes seules, s’agitaient dans son esprit. L’idée fixe revenait acharnée, lancinante… À la fin, elle avait l’horreur de son crime et se jugeait indigne de pardon.

Bientôt l’ébranlement nerveux de ces assauts continuels mirent un commencement de trouble dans les perceptions de la jeune fille. Sa conscience s’égarait ; ce qui lui restait de résolution, d’énergie, de courage s’en allait sous le sentiment, la conviction désespérée de son impuissance à se sauver d’elle-même. Elle se sentait maintenant comme dans le courant d’un fleuve qui l’entraînait molle-