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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/39

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— 1793 - 1799 —

arrivée soudaine ajoutait au merveilleux qui s’attachait à sa personne. Six mois plus tôt ou quelques mois plus tard, revenu d’Égypte sans l’autorisation du gouvernement, il eût probablement passé devant un conseil de guerre. Mais, au moment où il débarqua, le besoin d’un changement était si universel, si profond, on avait une telle impatience de voir se produire une situation et un homme, que sa présence inattendue, fait providentiel pour le plus grand nombre, causa partout et chez tous une sorte de commotion électrique. Un écrivain, témoin oculaire des faits qu’il rapporte, et adversaire passionné des deux journées de brumaire ainsi que de leurs résultats, Dulaure, a raconté en ces termes la sensation produite par cette nouvelle :

« Dans la séance du 22 vendémiaire an VII (14 octobre 1799), la discussion sur un projet de finances fut interrompue par un message du Directoire ; plusieurs citoyens, des grenadiers et un corps de musique accompagnaient le messager d’État. Cette entrée joyeuse et extraordinaire présageait un événement heureux. Aussitôt la salle retentit de cris de joie, d’acclamations de vive la République ! L’Assemblée se lève tout entière et répète ces cris. On venait d’apprendre que Bonaparte, débarqué à Fréjus, allait arriver à Paris. L’enthousiasme était excessif ; des députés montent à la tribune, parlent avec ce désordre éloquent qui peint l’ivresse du contentement : l’un demande que le Conseil déclare que les armées de la République n’ont point cessé de bien mériter de la patrie ; un autre s’écrie : « C’est aujourd’hui qu’il faut faire retentir le chant des victoires ; c’est aujourd’hui qu’il faut parer de fleurs la statue de la Liberté ; peuple français, c’est aujourd’hui ta fête ; tes guerriers ont triomphé de toutes parts, et le héros dont la gloire est inséparable de ton indépendance et de ta grandeur vient de toucher le sol de la République[1]

  1. Baudin des Ardennes, membre du conseil des Anciens, homme de mœurs graves et d’une probité sévère, à la nouvelle de l’arrivée de Bonaparte en