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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/397

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— 1814 —

l’intérêt de leur position sous le gouvernement royal ou dans l’intérêt de leur vanité. Quoi qu’il en soit, un fait reste certain, incontestable, c’est que l’ordre de transférer le quartier impérial au delà de Ponthierry était donné lorsque les maréchaux entrèrent dans le cabinet de l’Empereur, et qu’ils en sortirent avec son abdication. Quels motifs purent forcer Napoléon à ce changement de détermination ? « Il y eut d’abord des insinuations respectueuses, a dit un personnage fort réservé, présent à l’entrevue ; les représentations, les récriminations vinrent ensuite ; puis on déclara qu’on ne marcherait pas. » D’après les sources qui nous ont semblé les moins suspectes, voici ce qui se serait passé :

Ces paroles « Je compte sur vous, messieurs, » furent le signal de l’explosion. Oudinot, Ney et Lefebvre répondirent que, sans doute, ils étaient toujours dévoués, mais que marcher sur Paris était un projet auquel il fallait renoncer, et que pas une épée ne sortirait du fourreau pour une entreprise aussi désespérée. « L’armée, du moins, me suivra, » dit l’Empereur en songeant aux acclamations dont l’avaient salué, quelques minutes auparavant, les soldats encore rangés dans la cour. « L’armée obéira à ses généraux, » répliquèrent durement Oudinot et Ney. Napoléon, étonné, regarda les deux maréchaux et leurs collègues ; il put lire dans leur physionomie la résolution bien arrêtée de désobéir. Sa volonté, si vigoureuse et si forte quand elle s’exerçait dans toute la plénitude d’un pouvoir omnipotent, fléchit devant cette résistance inattendue ; il garda un moment le silence, et dit d’une voix lente mais calme : « Que pensez-vous donc que je doive faire ? — Abdiquer, répondirent Oudinot et Ney ; il n’y a que l’abdication qui puisse nous tirer tous de là. » Le maréchal Lefebvre ajouta : « Voilà ce que vous avez gagné à ne pas suivre les conseils de vos amis quand ils vous engageaient à faire la paix. »

Ce triste débat, où un grand homme, pliant sous le poids