Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
— 1814 —

Alexandre, Frédéric-Guillaume et les Bourbons, se trouva soudainement calmé : les cris de Vive le Roi ! vivent les Alliés ! cessèrent ; les cocardes blanches et les rubans blancs disparurent. Bon nombre de gens se tinrent immédiatement prêts à renier leurs paroles et leurs actes, et à prouver, s’il en était besoin, qu’ils n’avaient agi et parlé contre l’Empereur que pour servir mieux et plus sûrement la cause impériale. Cette métamorphose, si commune à toutes les époques de révolution, était facile aux ambitieux et aux intrigants de second ordre ; il ne pouvait en être de même pour ceux des membres du Sénat qui avaient prononcé la déchéance, et pour les hauts fonctionnaires qui s’étaient officiellement ralliés au gouvernement provisoire. L’effroi fut grand parmi ces personnages ; aussi les salons de M. de Talleyrand, dans la soirée du 4 avril, étaient-ils littéralement encombrés de gens accourus pour savoir s’ils devaient prendre la fuite ou rester. L’annonce de la suspension du mouvement de Napoléon sur Paris, puis la nouvelle de l’arrivée de plénipotentiaires chargés de traiter en faveur de la régence, ne purent les rassurer. Pour la plupart, la régence était encore la disgrâce ou l’exil ; tous réunirent donc leurs efforts pour la faire écarter. M. de Talleyrand et ses collègues, les personnages étrangers à qui l’on supposait quelque influence sur les souverains, se virent immédiatement entourés, sollicités dans ce but. Les Alliés, leur disait-on, ne pouvaient honorablement consentir à la régence ; ils étaient enchaînés par leurs promesses et par leurs actes des jours précédents. La déclaration du 31 mars ne proclamait-elle pas l’exclusion formelle de tous les membres de la famille impériale ? N’était-ce pas sur la foi de cet engagement que tant de gens s’étaient compromis ? Auraient-ils joué leur fortune, leur liberté, leur vie peut-être, s’ils avaient pensé que les souverains pussent jamais changer de résolution ?

Ces reproches, ces plaintes, retentissaient dans toutes les salles de l’hôtel de M. de Talleyrand. Ce dernier s’en fit l’écho