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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/58

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— 1800 - 1807 —

royauté de la Corse, la dignité de maréchal de France et le cordon bleu. Mais la négociation dut rester à l’état de projet. L’agent des Bourbons ne put aborder Bonaparte, qui, dans ce moment-là même, envoyait à Paris le portefeuille du comte d’Antraigues, pressait le Directoire de frapper les royalistes, provoquait dans son armée des manifestations en faveur de la République et proposait de marcher à la tête de toutes ses troupes au secours du gouvernement directorial. Les circonstances, après le 18 brumaire, semblaient plus favorables. Les propositions arrivèrent de deux côtés.

Ce fut l’abbé de Montesquiou, un des membres de l’agence royaliste de Paris, qui, par l’intermédiaire de Lebrun, alors troisième consul et ancien secrétaire du chancelier Maupeou, fit parvenir à Bonaparte une lettre écrite de la main même de Louis XVIII. Dupe des rapports de ses correspondants, et voyant, comme eux, dans le Premier Consul, un nouveau Monck qui, en s’éloignant chaque jour des traditions de la République, préparait évidemment le retour à la Monarchie, ce prince n’admettait pas que Bonaparte poursuivît un autre but que le rétablissement de l’ancienne royauté. Sa lettre, écrite sous ces impressions, était ainsi conçue :

« Quelle que soit leur conduite apparente, des hommes tels que vous, monsieur, n’inspirent jamais d’inquiétude. Vous avez accepté une place éminente, et je vous en sais gré. Mieux que personne, vous savez ce qu’il faut de force et de puissance pour faire le bonheur d’une grande nation. Sauvez la France de ses propres fureurs, vous aurez rempli le premier vœu de mon cœur ; rendez-lui son Roi, et les générations futures béniront votre mémoire. Vous serez toujours trop nécessaire à l’État pour que je puisse acquitter par des places importantes la dette de mes aïeux et la mienne.

« Louis. »

Cette lettre étrange, où Louis XVIII parlait en monarque rappelant son devoir à un sujet, et dans laquelle il croyait avoir habilement concilié le respect qu’il devait à sa race et à son