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Page:Verhaeren - Les Ailes rouges de la guerre, 1916.djvu/144

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Et vous vous parliez d’elle avec des mots si tendres
Que ceux qui n’étaient pas gens du pays,
Depuis toujours de père en fils,
Hélas ! ne vous pouvaient comprendre.

Vos champs vous paraissaient être des hommes sûrs
Qui ne gaspillent pas le grain qu’on leur confie,
Mais font en sorte, aux mois d’été, qu’il fructifie
Et devienne épi clair et moisson sous l’azur.
Vous saviez en quel coin de sol luisant ou terne,
On sème avec profit la rave ou la luzerne,
Et comme il faut qu’on soit patiemment malin
Pour tirer d’un sablon quelques quintaux de lin.
Vos yeux subtils, vos bras musclés, vos mains austères
Immensément se prolongeaient en votre terre,
Si bien qu’aux jours d’éclairs et de tonnerres fous,
Quand l’orage mordait, il semblait mordre en vous.

Dites, les gens, la terre est aujourd’hui blessée
De toute la mitraille en sa chair enfoncée.