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Page:Verhaeren - Les Blés mouvants, 1912.djvu/40

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GUILLAUME

Tous ces malheurs, ami, nous viennent de la ville
Monstrueuse et vorace, arrogante et servile,
Qui se ramasse au loin et puis bondit vers nous
Avec ses trains bandés sur des rails métalliques,
Avec ses crins tendus de fils télégraphiques,
À travers le ciel pur et le vent clair et doux.
Il ne faudrait nommer qu’en nous signant, ces choses
Qui depuis cinquante ans furent les mornes causes
De l’orgueil des cités et du grand deuil des champs.
Ô les anciens chemins, sinueux et penchants
Autour des vieux enclos et des eaux solitaires !
Voici qu’on coupe en deux les prés héréditaires,
Qu’une gare stridente et de cris et de bruits
Réveille les hameaux au milieu de la nuit ;
Qu’une route de fer, de feu et de scories
Traverse les vergers bornant les métairies
Et qu’il n’est plus un coin au fond des bois, là-bas,
Où le sifflet d’un train soudain ne s’entend pas.