Aller au contenu

Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Et qu’importent le doute ardent, l’ombre profonde,
Le tumulte qui rend l’effort plus effréné ;
Cœur et cerveau, dans un élan simultané,
Chacun à travers soi doit conquérir le monde.

Dites, la proie et le butin qu’est l’univers
Saignant, dans la splendeur de l’étendue entière ?
Nous travaillons et nous pensons de la matière,
Et son secret vit en nous-mêmes, à découvert.

Nos contrôles le voient, s’ils ne le définissent ;
L’unité est en nous, et non pas dans les dieux ;
L’effroi si longtemps maître a déserté les cieux
Et s’est éteint dans les yeux morts des Pythonisses.

L’homme respire et sur la terre il marche, seul.
Il vit pour s’exalter du monde et de lui-même ;
Sa langue oublie et la prière et le blasphème ;
Ses pieds foulent le drap de son ancien linceul.

Il est l’heureuse audace au lieu d’être la crainte  ;
Tout l’infini ne retentit que de ses bonds
Vers l’avenir plus doux, plus clair et plus fécond
Dont s’aggrave le chant et s’alentit la plainte.