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Page:Verhaeren - Les Forces tumultueuses, 1902.djvu/144

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Comme du sang caillé parmi les vagues
Luisent vos bords et vos sables ocreux ;
Vos pics sont nus, comme les pointes des dagues,
Vos geôliers sont des fous qui s’excitent entre eux,
Vos flots roulent en tempête leurs flammes,
La cruauté torride et ses lâches conseils,
Au fer rouge de vos soleils,
Brûlent, sous vos cieux durs, les âmes.

Or, ceux que vous damnez viennent de l’Inconnu,
Avec entre leurs mains les vérités nouvelles ;
Le feu du monde, ils l’attisent, dans leurs cervelles,
Le droit serein et méconnu
Semble le sang dont bouillonne leur verbe,
Ils incendient, en les tassant du pied, les herbes
Pleines de mort et de poison des vieilles lois ;
Ils sont les fous de la haute folie,
La vie étant à boire, ils en rincent la lie
Et la présentent pure au peuple qui la boit.

Leur cœur est vaste et clair comme les plaines,
Leurs yeux sont purs comme des yeux d’enfant,
Quoi qu’on dise, leur force est pleine
D’amour immense et débordant.