Page:Verhaeren - Les Villes à pignons, 1910.djvu/93

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Et par dessus leurs yeux, ils ont tassé leur front
Comme un moëllon.
Ainsi l’esprit des champs, rêche, têtu, gothique,
Instaure, au cœur des villes apathiques,
En un quartier silencieux,
Sa forge lourde où se couve son feu ;
Il fit jadis leurs mœurs et leurs coutumes,
Et leur terreur et leurs cerveaux,
Et maintenant encor son ponctuel marteau
Contrôle ou bat, sur son enclume,
Chaque penser que jette au loin l’orgueil nouveau.

Et les cloches sonnent et sonnent
En son honneur, ainsi que des hérauts,
Et les cloches le célèbrent et le propagent,
De siècle en siècle et d’âge en âge,
Du haut des tours, à coups de battants noirs.
Elles le crient au vent et le crient à l’espace,
Aux coins, aux carrefours, aux ruelles, aux places,
Dès que l’aurore monte ou que descend le soir ;
Et la ville obéit dûment à ces voix rudes,
Moins par amour peut-être ou par devoir,
Que par longue et tenace et pesante habitude.