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poèmes, iiie série


Voici le triste enfant prodigue
Qui s’en revient, avec pourceaux et chiens,
Des pays lourds de la fatigue ;
Voici les béliers noirs qu’un patriarche,
Aux temps lointains, apprivoisait dans l’arche ;
Voici les pâtres de Chaldée
Qui contemplaient la nuit avec les yeux de leur idée,
Et ceux de Flandre et de Zélande
Qui s’estompent de brume et de légende,
Sous leurs chaumes, au fond des landes.

L’étrange et fantômal cortège
Et les traînes des longs manteaux
Et le bruit d’osselets que font les pattes du troupeau
Frôlent et animent la neige.

Là-haut, le gel s’étage en promenoirs
Que tachettent des feux, pareils à des acides,
Et d’où les anges clairs et translucides
Semblent surgir et flamboyer en des miroirs.

On aperçoit Saint Gabriel qui fut sculpté,
Au village, jadis, dans l’or du tabernacle ;
Saint Raphaël vêtu d’éclairs et de beauté ;