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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/57

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les villages illusoires


Comme une force ample et suprême,
Il reste, indiscontinûment, le même :
Des murs obscurs de sapins noirs
Barrent la vue au loin, vers des sentiers d’espoir ;
De grands genévriers songeurs
Effraient les pas des voyageurs ;
Des sentes complexes comme des signes
S’entremêlent, en courbes et lignes malignes,
Et le soleil déplace, à tout moment,
Les mirages, vers où s’en va l’égarement.

Depuis l’éclair par l’orage forgé,
L’âpre silence, aux quatre coins de la bruyère,
N’a point changé.

Les vieux bergers que leurs cent ans disloquent
Et leurs vieux chiens, usés et comme en loques,
Le regardent, parfois, dans les plaines sans bruit,
Sur les dunes en or que les ombres chamarrent.
S’asseoir, immensément, du côté de la nuit.
Alors les eaux ont peur, au pli des mares,
La bruyère se voile et blêmit toute,
Chaque feuillée, à chaque arbuste, écoute