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Page:Verhaeren - Poèmes, t3.djvu/65

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les villages illusoires

Mâchant, avec leurs dents, qui broyent et cassent,
La chair de l’avenir pour n’en laisser que la carcasse ;

Et lui montrant, en des cercueils emprisonnés,
Ses vœux déjà défunts, bien que non encor nés.

Le fossoyeur entend là-bas,
Toujours plus lourd, le son des glas
Tanguer, aux horizons des Nords.

Dites ! si les cloches hallucinantes
Interrompaient, un jour, leurs angoisses sonnantes,
Si le cortège illimité des morts
N’encombrait plus les grand’routes de ses remords !

Mais les bières — avec des pleurs et des prières —
Immensément, suivent les bières,
Faisant halte, près des calvaires,
Pour aussitôt reprendre, à dos d’hommes, sur des civières,
Leur marche uniforme et morne,
Au long des champs, au long des clos, au long des bornes,
Au long de l’inconnu d’où l’effroi corne.