Aller au contenu

Page:Verne - César Cascabel, 1890.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
on ne passe pas !

« Vos passeports ? demanda l’agent en langue russe — langue que M. Cascabel ne comprit que trop bien en cette circonstance.

— Des passeports ?… répondit-il.

— Oui ! Il n’est pas permis de pénétrer sans passeports sur les possessions du Czar !

— Mais nous n’en avons point, cher monsieur, répliqua poliment M. Cascabel.

— Alors vous ne passerez pas ! »

Ce fut net et significatif, comme une porte que l’on ferme au nez d’un importun.

M. Cascabel fit la grimace. Il comprit combien sont sévères les prescriptions de l’administration moscovite, et il était douteux qu’il pût arriver à une transaction. En vérité, c’était une incroyable malchance que d’avoir rencontré ces agents précisément à l’endroit où la Belle-Roulotte avait franchi la frontière.

Cornélia et Jean, très anxieux, attendaient le résultat de ce colloque, duquel dépendait l’achèvement du voyage.

« Braves Moscovites, dit M. Cascabel, en développant sa voix et ses gestes, afin de donner plus de relief à son bagout habituel, nous sommes des Français, qui voyageons pour notre agrément et, j’ose le dire, pour celui des autres et en particulier des nobles boyards, quand ils veulent bien nous honorer de leur présence !… Nous avions cru que l’on pouvait se dispenser d’avoir des papiers, lorsqu’il s’agissait de fouler le sol de sa Majesté le Czar, Empereur de toutes les Russies…

— Entrer sans permis spécial sur son territoire, lui fut-il répondu, cela ne s’est jamais vu… jamais !

— Cela ne pourrait-il pas se voir une fois… rien qu’une petite fois ? reprit M. Cascabel d’une voix particulièrement insinuante.

— Non, répondit l’agent d’un ton raide et sec. Ainsi, en arrière, et sans réflexions !

— Mais enfin, demanda M. Cascabel, où peut-on se procurer ces passeports ?