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Page:Verne - César Cascabel, 1890.djvu/160

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césar cascabel.

les détours auxquels l’eût obligée le cours d’eau, entaillé par des coupures nombreuses, et dont les abords forment parfois d’impraticables lagunes. Du moins en est-il ainsi de ce côté car, à gauche, quelques collines de médiocre hauteur encadrent la vallée en se prolongeant vers le nord-ouest. Peut-être eût-il été malaisé de franchir certains petits affluents du Youkon, entre autres le Stewart, qui n’est point desservi par un bac, si, pendant la saison chaude, il n’eût été possible de les passer à gué, avec de l’eau à mi-jambe seulement. Et encore, M. Cascabel et les siens eussent-ils été fort embarrassés, sans la présence de Kayette. Connaissant bien cette vallée, elle put leur indiquer les passages.

C’était vraiment une bonne chance d’avoir cette jeune Indienne pour guide. D’ailleurs, elle était si heureuse d’obliger ses nouveaux amis, si contente de se trouver au milieu d’une nouvelle famille, si touchée de recevoir encore ces maternelles caresses dont elle se croyait à jamais privée !

Le pays avait encore des bois à sa partie centrale, que de petites tumescences accidentaient çà et là ; mais ce n’était déjà plus l’aspect des environs de Sitka.

En effet, la rigueur d’un climat, soumis à huit mois d’un hiver arctique, ne permet guère à la végétation de se développer. Aussi les essences appropriées à ces régions n’appartiennent-elles, à part quelques peupliers dont la cime se courbe en arc, qu’à la famille des pins et des bouleaux… Puis, ce sont de rares bouquets de ces tristes saules, grêles et décolorés, que dépouillent promptement les aigres brises venues de la mer Glaciale.

Pendant le trajet du fort Selkirk au fort Youkon, la chasse ayant été assez productive, il n’avait pas été nécessaire de toucher aux réserves pour l’alimentation quotidienne. Des lièvres tant qu’on en voulait, et peut-être à part soi les convives commençaient-ils à s’en fatiguer. À la vérité, on avait pu varier l’ordinaire avec des rôtis d’oies et de canards sauvages, sans compter les œufs de ces volatiles que Sandre et Napoléone dénichaient adroitement dans leurs