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Page:Verne - César Cascabel, 1890.djvu/324

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un bon tour de m. cascabel.

et sans rien garder de leur accent d’origine, il est moins facile à des Français de parler la langue russe. Aussi se figurerait-on difficilement les soins que prit M. Cascabel, les efforts d’articulation auxquels il se livra, les éclats de voix dont il remplit la Belle-Roulotte, afin d’arriver à la perfection.

Et vraiment, avec ses dispositions naturelles pour le polyglottisme, il fit des progrès qui émerveillèrent son personnel.

Puis, sa leçon terminée, il s’en allait sur la grève, et là, certain de n’être entendu de personne, il s’exerçait à prononcer diverses phrases d’une voix retentissante, dont il variait les intonations, en faisant vibrer les r à la manière des Russes. Et Dieu sait si, dans l’exercice de sa profession de saltimbanque, il avait contracté l’habitude de ces vibrations !

Quelquefois, il rencontrait Ortik et Kirschef et, comme les deux matelots ne savaient pas un mot de français, il s’entretenait avec eux dans leur langue, s’assurant ainsi qu’il commençait à se faire très suffisamment comprendre.

Du reste, ces deux hommes venaient plus fréquemment à la Belle-Roulotte. Kayette, toujours impressionnée par la voix de Kirschef, cherchait à retrouver dans son souvenir en quelle occasion elle avait pu l’entendre…

Entre Ortik et M. Serge, la conversation, à laquelle se mêlait maintenant M. Cascabel, portait invariablement sur les moyens de quitter l’île, et on n’arrivait à rien de pratique.

« Il y a une chance de nous rapatrier, à laquelle nous n’avons point songé, et qui pourrait se présenter, dit un jour Ortik.

— Laquelle ?… demanda M. Serge.

— Lorsque la mer Polaire est redevenue libre, répondit le matelot, il n’est pas rare que les baleiniers passent en vue de l’archipel des Liakhoff. Dans ce cas, n’y aurait-il pas moyen de faire des signaux, et d’attirer quelque navire ?…

— Ce serait exposer son équipage à devenir prisonnier de Tchou-Tchouk comme nous le sommes, et sans aucun profit pour notre déli-