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jusqu’à l’obi

que tu commences à prendre du ventre !… Fi donc !… À ton âge !… Tu n’es pas honteux !

— Père, je t’assure…

— N’assure rien !… J’ai bonne envie de te mesurer tous les soirs, et si je trouve du bedon, je te le ferai rentrer dans l’estomac ! C’est comme Clou !… Il engraisse à vue d’œil !

— Moi, monsieur patron ?…

— Oui, toi, et il ne convient point qu’un paillasse soit gras… surtout quand il se nomme Clou !… Tu finiras par t’arrondir comme un muid de bière…

À moins que je ne tourne à l’échalas sur mes vieux jours ! » répondit Clou en serrant sa ceinture.

La Belle-Roulotte eut bientôt à passer le Taz, qui verse ses eaux dans le golfe de l’Ienisseï ; à peu près au point où l’itinéraire venait couper le Cercle polaire arctique pour pénétrer sur la zone tempérée. On voit par quelle oblique il s’était dirigé vers le sud-ouest depuis le départ de l’archipel des Liakhov.

À ce propos, M. Serge, toujours très écouté, crut devoir expliquer à son auditoire habituel ce qu’était ce Cercle polaire, au-delà duquel le soleil, pendant l’été, ne s’élève jamais à plus de vingt-trois degrés au-dessus de l’horizon.

Jean, ayant déjà quelques notions de cosmographie, comprit l’explication qui fut donnée par M. Serge. Mais M. Cascabel eut beau tendre tous les ressorts de son intelligence, il ne parvint pas à s’imaginer ce qu’était ce Cercle polaire.

« En fait de cercles, dit-il, je ne connais que les cerceaux à travers lesquels s’élancent les écuyers et les écuyères ! Après tout, ce n’est pas une raison pour ne point arroser celui-là ! »

Et le Cercle polaire fut arrosé d’une bonne bouteille de brandevin, comme les marins arrosent la Ligne, à bord des bâtiments qui passent d’un hémisphère à l’autre.

La traversée du Taz ne s’opéra pas sans quelques difficultés. Aucun bac n’assurait la communication entre les deux rives de ce petit