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Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/126

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Un homme rampe sur la plate-forme, se glisse à travers la gare à peine éclairée de quelques lampes à pétrole.

C’est mon Roumain… Ce ne peut être que lui… Il n’a pas été vu, et le voilà confondu parmi les autres voyageurs… Pourquoi cette escapade ?… Est-ce pour renouveler ses provisions à la buvette ?… Son intention, au contraire, n’est-elle pas, comme je le craignais, de nous fausser compagnie ?…

Par exemple, je saurai bien l’en empêcher… Je vais me faire connaître… lui promettre aide et assistance… Je lui parlerai en français, en anglais, en allemand, en russe — au choix… Je lui dirai : « Mon ami, comptez sur ma discrétion… Je ne vous trahirai pas… Des vivres, je vous en porterai pendant la nuit… Des encouragements, je vous en comblerai en même temps que de vivres… N’oubliez pas que mademoiselle Zinca Klork, évidemment la plus jolie des Roumaines, vous attend à Pékin…, etc. »

Me voici donc le suivant, sans en avoir l’air. Au milieu des allées et venues, il ne court pas grand danger d’être remarqué. Ni Popof ni aucun des employés ne pourraient suspecter en lui un fraudeur de la Compagnie. Va-t-il se diriger vers la porte de sortie… m’échapper ?…

Non ! Il n’a voulu que s’étirer les jambes, mieux qu’il ne le peut en arpentant le fourgon. Après un emprisonnement, qui dure depuis le départ de Bakou, — c’est-à-dire depuis soixante heures, — il a bien droit à dix minutes de liberté.

C’est un homme de taille moyenne, aux mouvements souples, à la démarche glissante. Il se ramasse, il se pelotonne comme un chat, et ne doit point être trop à l’étroit dans sa caisse. Il a pour vêtement une veste cachou, un pantalon retenu par une ceinture, et porte une casquette fourrée — le tout de couleur sombre.

Je suis rassuré sur ses intentions. Il revient vers le fourgon, enjambe le marchepied, rentre par la plate-forme, et la porte se referme doucement derrière lui. Dès que le train sera en route, j’irai frapper au panneau de la caisse, et cette fois…